Un des grands attraits de l’art royal est de nous permettre de décrypter les monuments et œuvres d’art pourvu qu’ils aient été créés par des artistes ayant dédié leurs œuvres à la spiritualité.
Voyons comment la voie initiatique nous permet de voir et apprécier notre fontaine du soleil "nissarde" sous le prisme de nos enseignements.
Avant de conclure, nous aborderons successivement une présentation profane de ce monument puis un décodage alchimique des bronzes de la fontaine, puis du héros central Appolon.
La fontaine à travers les yeux d’un guide de tourisme Internet
Le site Internet "Montmartre Secret" nous la décrit à merveille :
"Réalisée entre les deux guerres par Alfred Janniot, un des grands sculpteurs du XXème siècle, elle dut attendre 1956 pour être installée et connaître les affronts de la bien-pensance niçoise.
L'Apollon fut surnommé par des Niçois goguenards "la 4 CV" voiture très populaire à l'époque et pour laquelle le dieu semblait faire de la publicité avec les 4 équidés qui le couronnaient.
D'autres Niçois (surtout Niçoises) scandalisés par la taille des attributs génitaux coururent chez le maire, pétition en mains pour que l'objet impudique fût enlevé.
Le sculpteur tenta de les amadouer en réduisant l'objet du délit à coups de ciseau et de burin, ce qui inspira aux moqueurs un nouveau surnom pour le colosse amoindri "le puceau".
Malgré cette réduction humiliante l'Apollon resta de marbre.
L'opération s'avéra inutile, le sexe restait trop gros pour être avalé par les prudes Niçois. Les bronzes furent relégués au centre d'épuration des eaux et l'Apollon commença son errance dans la ville. Il stationna d'abord dans l'atrium de la mairie.
Las ! Les employés municipaux se sentirent outragés et ils obtinrent le départ de l'intrus qui termina son périple dans le stade Charles Ehrmann.
Ce n'est qu'en juin 2011 qu'il revint au centre de la Fontaine du Soleil. Nice supportait mal d'être montrée du doigt dans les expositions consacrées à Janniot, mondialement reconnu, pour être la ville qui avait démonté un de ses chefs d’œuvre !
Le Dieu a retrouvé sa place, au centre du bassin, entouré des bronzes restaurés. Janniot avait été encouragé par Bourdelle à persévérer dans la voie qu'il avait choisie, celle de la tradition classique. Ainsi peut-on trouver quelque parenté entre son Apollon et le David de Michel-Ange ou le Neptune de la fontaine de Florence.
Haut de 7 mètres, le dieu ne craint personne et regarde avec curiosité les Penseurs de Plensa perchés sur leurs mâts.
Légèrement déhanché, il tourne le dos à la mer. On peut penser qu'il vient de se plonger dans les eaux turquoise et qu'il tient nonchalamment sa serviette de bains contre sa jambe.
Les cinq divinités-planètes qui entourent Apollon sont : Gaïa (la Terre), Mercure, Mars, Saturne et Vénus.
Gaïa la Terre porte un enfant entre ses bras et une chouette sur son épaule. Elle est la déesse-mère, ancêtre des dieux.
La Terre est la planète des hommes... La chouette de la Sagesse, leur rappelle-t-elle qu'il est temps d'en prendre soin et de la respecter ?
La déesse est accompagnée d'un taureau qui semble veiller sur elle et qui évoque l'arrivée d'Europe portée par l'animal jusqu'aux rives grecques
Mercure nonchalant sur son cheval ailé regarde le soleil. Ce dieu multi-cartes patron des commerçants, des voyageurs, des voleurs, des médecins (ce qui n'a pas empêché un certain Médecin, maire de la ville, de le mettre au rebut) est aussi le messager des dieux.
Tourné vers Apollon, il semble se dorer au rayonnement solaire...
Mars le poing tendu entraîne à la force du bras son cheval sauvage.
Saturne court à côté du taureau. Il est tourné vers Mars, son voisin belliqueux qu'il ne semble pas craindre.
Sa main protège son visage des rayons de mars et Appolon.
Enfin Vénus fille de Gaïa jaillit de l'eau sur son dauphin. Elle tient délicatement ses longues tresses et tourne le dos à Apollon."
Notons que Mercure est le seul à regarder Apollon.
L'allégorie alchimique des 5 bronzes de la fontaine :
Saturne
Le taureau qui court aux côtés de Saturne nous annonce le début de l’œuvre au noir. L’athanor devant être maintenu à l’abri de la lumière nous explique pourquoi Saturne protège son visage.
Gaïa la Terre
Il n’aura pas échappé à nos yeux d’initiés que Gaïa offre son enfant à l’eau de la fontaine. Cet enfant est à mettre en analogie avec une granulation ; fruit de l’union du ternaire soufre mercure et sel qui vient retomber dans l’eau de l’athanor en fin de mondification. La chouette nous rappelle que le premier but de cette granulation est de tendre vers l’initiation lunaire de l’œuvre au blanc.
Vénus
A l’instar de celle de Boticelli, notre Vénus de la place Masséna sort de l’eau. Nous sommes en phase coagula. La granulation qu’était Jonas était « recrachée » par la baleine, notre Vénus est accompagnée d’un dauphin. Ses tresses que l’on peut présumer blondes augurent de l’imbibition de sel rutilant qui devance celle de la quintessence.
Mars
Mars, qui symbolise la quintessence nous rappelle en maîtrisant son fougueux destrier que le feu secret de l’alchimiste doit respecter les justes dosages de sel philosophique puis de quintessence.
N’oublions pas que le cheval est le symbole de l’intelligence divine dans les mondes supérieurs.
Pour nous simples mortels il est le symbole de notre corps astral, ce corps qui enferme notre égo ; et qui se trouve de ce fait à l’origine de toutes nos pulsions. Mars nous indique donc que l’initié ayant blanchi sa pierre doit finir de maîtriser ses passions
Mercure
Enfin, notre messager des dieux symbolise ce feu secret des alchimistes, cette inspiration divine qui va guider le grand œuvre. Il puise son énergie dans la couronne d’Appolon qu’il est le seul à regarder.
La statue d'Appolon
Faut-il voir un hasard dans le choix du sculpteur d’avoir donné à ce Dieu de marbre une stature de 7 mètres ?
Appolon est le but final de tout initié, la pierre au rouge, apte à transmuter le vil métal.
Sa couronne solaire nous le rappelle si besoin était.
Il est bien sûr au centre du cercle de la fontaine dont il est en quelque sorte le logos.
Ne nous méprenons pas sur les 4 chevaux encerclés par sa couronne. Ils ne sont autres que les 4 chevaux de l’apocalypse de Jean.
L’adepte qui a su domestiquer ces 4 chevaux pour les enfermer dans son cercle détient bien les secrets du grand œuvre.
Hélas le marbre blanc nous oblige à imaginer les couleurs des équidés.
L’un est noir ; nous l’avons domestiqué durant l’œuvre au noir.
Un autre est vert ; il symbolise le frais de grenouilles de l’alchimiste durant le blanchiment de la pierre.
Le cheval blanc est la pierre au blanc qui symbolise le succès de Gaïa qui a offert son enfant sous le regard protecteur de la chouette lunaire.
Enfin, le quatrième est rouge comme la quintessence et la pierre philosophale.
Le sixième chapitre de l'Apocalypse :
"Alors j’ai vu : quand l’Agneau ouvrit l’un des sept sceaux, j’entendis l’un des quatre Vivants dire d’une voix de tonnerre : "Viens ! "
Alors j’ai vu : et voici un cheval blanc : celui qui le montait tenait un arc, une couronne lui fut donnée, et il sortit vainqueur, pour vaincre à nouveau.
Et quand il ouvrit le deuxième sceau, j’entendis le deuxième Vivant qui disait : "Viens !"
Alors sortit un autre cheval, rouge feu ; à celui qui le montait il fut donné d’enlever la paix à la terre, pour que les gens s’entretuent, et une grande épée lui fut donnée.
Et quand il ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième Vivant qui disait : "Viens ! " Alors j’ai vu : et voici un cheval noir ; celui qui le montait tenait à la main une balance.
Et j’entendis comme une voix au milieu des quatre Vivants ; elle disait : "Un denier, la mesure de blé ! Un denier, les trois mesures d’orge ! Ne fraude pas sur l’huile et sur le vin !"
Et quand il ouvrit le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième Vivant qui disait : "Viens ! "
Alors j’ai vu : et voici un cheval verdâtre ; celui qui le montait se nomme la Mort, et le séjour des morts l’accompagnait. Et il leur fut donné pouvoir sur un quart de la terre pour tuer par le glaive, par la famine et par la peste, et par les fauves de la terre.
Et quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui furent égorgés à cause de la parole de Dieu et du témoignage qu’ils avaient porté.
Ils crièrent d’une voix forte : "Jusques à quand, Maître saint et vrai, resteras-tu sans juger, sans venger notre sang sur les habitants de la terre ? "
Conclusion
Êtes-vous septiques ou désormais persuadés qu’Alfred Janniot ait pu concevoir une telle œuvre dans la plus grande ignorance de l’art royal ?
Le symbolisme n’est-il pas le plus merveilleux des outils pour être accessible à tous sur les trois plans : du pur profane, au moraliste et surtout aux initiés ?