Cet article largement inspiré d’un travail de Marc S. se propose de découvrir le symbolisme universel à travers la lorgnette symbolique et analogique de la Tradition Protochinoise.

Ce qui m’a semblé de plus remarquable dans le cheminement de cette pensée Traditionnelle, est l’omniprésent mode de raisonnement analogique. En effet, ce mode de raisonnement auquel nous avons du mal à nous initier, nous voit préférer par habitude le mode de raisonnement analytique. Or, ce dont il faut d’emblée s’imprégner pour parvenir à une pratique courante du raisonnement analogique, est un puissant esprit d’observation. Une fois acquis, il constitue pour nos recherches une aide précieuse dans la compréhension des faits de ce monde. Encore faut-il un mode d’emploi, en voici une ébauche.

L’homme entre ciel et terre

L’homme selon la Tradition est caractérisé par une structure verticale, les pieds sur le Sol et la tête vers le Ciel.
En regardant le Sol, en se baissant pour le palper, il constate que celui-ci est solide, concret, matériel, mesurable, donc fini, c’est-à-dire doté de limites. Il en fait le symbole de la substance, et par extension de la quantité. Puis, regardant au-dessus de lui, dans la direction opposée à celle du Sol, il trouve le Ciel, dont les caractéristiques, lui paraissent opposées. Essayant de le saisir, il n’appréhende rien, ce milieu n’est ni solide ni matériel, mais au contraire impalpable et subtil. Il ne peut pas lui appliquer de mesure en raison de l’absence de points de repère fixes, et par conséquent on ne peut lui attribuer de limites. Le Ciel sera le symbole de l’essence par opposition à la substance, de la qualité par rapport à la quantité.

À ces notions de consistance, se superposent des correspondances d’ordre dynamique :

  • Le  Sol qui sert de point d’appui à l’observateur et paraît immobile et stable,
  • le Ciel, tout au contraire, apparaît perpétuellement mobile, les nuages et les luminaires s’y déplacent en une ronde incessante.

Face au Ciel mouvant, le Sol est inerte. En outre, chaleur et lumière venant du ciel, ce dernier paraît se comporter comme un émetteur actif, et le Sol par contraste, comme un récepteur en raison de sa passivité. Chacun de ces deux termes devient nécessaire à l’autre, et ne se justifie que par l’existence de l’autre, car de quelle utilité serait un émetteur sans récepteur, et inversement ?

En opposition à ces deux milieux s’ajoute donc la complémentarité qui s’assortit d’une hiérarchie : celui qui donne est en haut, et celui qui reçoit est en bas. Dans une certaine mesure, on peut concevoir le Ciel comme noble, et le Sol comme vulgaire.

L’homme participe des deux milieux, prenons des exemples d’ordre physiologique :

  • la pensée ou la douleur qui ne peuvent être quantifiées par la mesure sont dépendantes de l’essence et se rapportent au Ciel,
  • alors que les organes délimités qui ont la charge de la nutrition et de l’excrétion sont bien quantifiables et se rapportent au Sol.

Cet homme existe dans le temps et dans l’espace, deux nouvelles notions qui se rapportent à la symbolique du Ciel et du Sol. En effet, l’espace est le siège des coexistences :

  • Il est de l’ordre du Sol puisque la notion de quantité ou de mesure peut y être appliquée,
  • alors que le temps domaine de la stricte succession, hors de toute tentative de mesure, (peut-on comparer une heure à une autre) répond au Ciel et à la qualité.

Ce qui vient d’être énoncé peut se résumer comme suit selon la Loi du Ternaire :

  • Le Ciel exprime le Un,
  • Le Sol exprime le Deux,
  • L’homme, procédant des deux, ramène le binaire à l’unité par le moyen du nombre trois qu’il représente.

La loi des cycles

Envisageons maintenant ce qu’on peut appeler la loi des cycles.

Pour la Tradition Taosiste, tout phénomène, apparaissant entre Ciel et Sol, est appelé “manifestation” et, comme pour l’homme, se produit en même temps sur le plan de la qualité et de la quantité. Les proportions varient selon le moment du cycle, car toute manifestation est évolutive ou involutive, allant tantôt du Sol vers le Ciel, tantôt du Ciel vers le Sol, et se trouve par conséquent soumise à un Cycle.

Toute manifestation s’intègre dans un cycle et répond à ses lois.

Pour étudier les différents temps d’un cycle, je vous propose de prendre en exemple le nycthémère, qui est une période de vingt-quatre heures, au cours de laquelle deux états distincts se succèdent, le jour et la nuit. (Figure 1 ci-contre).  Pour un observateur faisant face au sud, la trajectoire apparente du soleil s’effectue dans le sens des aiguilles d’une montre (dextrorsum), en haut d’est en ouest pendant le jour, et en bas d’ouest en est pendant la nuit. Ainsi peut-on distinguer un état positif en haut entre l’aube et le crépuscule (Ciel), et un état négatif en bas, entre crépuscule et aube (Sol), selon que le soleil dispensateur de chaleur et de lumière, est présent ou non dans le ciel du lieu d’observation. Chacun de ces deux états est centré sur un axe vertical dont le point haut est midi, point culminant du soleil, et le point bas à minuit diamétralement opposé. Cet axe vertical est appelé “ axe des états”. Croisant cet axe, un axe horizontal les sépare dont les extrémités, dans notre exemple, sont l’aube et le crépuscule dont on ne sait s’il fait jour ou nuit. Cet axe horizontal est appelé axe des variations.

Ces deux axes une fois tracés, se pose le problème de savoir quel est l’instant exact qui marque le début du nycthémère. La tradition fixe cet instant juste entre minuit, heure à laquelle le soleil commence sa remontée dans le ciel, et l’aube, heure à laquelle il apparaît effectivement. Nous ne manquerons pas d’apprécier que ce moment qui démarre le matin est appelé “point du chant du coq”.

Figure 1 : le nycthémère

Figure 2 : la ligne oblique

 

Diamétralement opposé au point matin figure le point soir, les deux déterminent une ligne oblique (Figure 2 ci-contre). Cette ligne oblique sépare le cycle journalier en deux zones, la zone active en haut à gauche et une zone inactive en bas à droite. Perpendiculairement à cette oblique, une autre ligne marque le point journée entre l’aube et midi, et un point nuit entre le crépuscule et minuit. Ainsi le nycthémère est finalement divisé en quatre quartiers : le matin, la journée, le soir et la nuit. Afin de généraliser à la notion de cycle, nous dirons que nous disposons de quatre secteurs, le gauche, le haut, le droit, et le bas.

 

Appliquons le principe analogique du cycle du jour à celui de l’année (Figure 3 ci-contre).

On y voit que l’axe vertical des états devient l’axe des solstices, avec en haut celui d’été et en bas celui d’hiver. Solstice étymologiquement Sol Stat, moment où le soleil s’arrête dans sa course ascendante avant de redescendre.

L’axe horizontal est celui des équinoxes, où jour et nuit sont de longueurs égales. On ne peut manquer de comparer ce phénomène d’égalité du jour et de la nuit à celui de l’aube et du crépuscule où nuit et jour sont mêlés jusqu’à l’indécision.

De même, les secteurs définis pour l’horloge s’appliquent au calendrier, le matin correspond au printemps, la journée à l’été, le soir à l’automne, et la nuit à l’hiver.

Figure 3 : le calendrier

Figure 4 : La rose des vents, les 8 axes de l’espace

 

L’exemple de comparaison des cycles journalier et saisonnier nous permet d’encore mieux comprendre la loi d’analogie, principal outil de la connaissance traditionnelle.

Chaque manifestation répondant à la loi des cycles, nous pourrons dorénavant comparer et identifier des manifestations partielles très différentes en apparence. À notre niveau, nous pourrons appliquer ces notions aux battements du cœur, au rythme de la respiration, à l’alternance des états de veille et de sommeil par exemple. La loi d’analogie s’applique rigoureusement dès que l’on possède le schéma universel que constituent les jalons et les secteurs d’un cycle.

Ces jalons cycliques sont au nombre de huit. Comme toute manifestation s’inscrit entre Ciel et Sol, entre qualité et quantité, dans l’espace et le temps, nous pourrons dire que pour nous, toute manifestation se situe entre le cercle et le carré (entre le compas et l’équerre des bâtisseurs). En effet, l’heure chinoise valant deux de nos heures, il y en a douze par cycle, comme il y a douze mois dans l’année, le nombre douze représente la division naturelle du cercle.

Nous pourrons ainsi trouver la justification de symboles comme les huit directions de la rose de vents. (Figure 4 ci-contre).

L’octogone devient donc un passage entre le cercle, Ciel où les jalons sont temporels et successifs, et le carré, Sol où ils sont spatiaux et simultanés.

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