Ce fameux sel a toujours fait l’objet d’un grand secret jalousement protégé par les Adeptes, à l’heure des réseaux, il est d’ores et déjà largement dévoilé sur l’Internet.

Faut-il y voir un rapport avec l’Évangile selon Saint Luc 12.2 : « Il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu » ?

Nous noterons en préambule que sa fabrication n’est pas comprise dans le temps du Grand Œuvre car elle est purement chimique.

En introduction : un peu de vocabulaire

De nombreux ouvrages parlent du chêne creux lorsqu’ils nous indiquent la manière de se procurer le sel. Bernard Trévisan parle d’une source d’eau très blanche qui sourd au pied d’un chêne creux. La raison en est simple : le sel peut entre autres se fabriquer à partir des cendres du chêne. Or le bois de chêne pédonculé pourri est très riche en carbonate de potasse.

Le Liber investigationis magisteri de Geber, communique la recette du Pape Jean XXII : “On prend deux parties de cendres et une partie de chaux vive ; on met le tout sur un filtre avec de l’eau. La liqueur qui passe par le filtre est évaporée et le sel reste sous forme solide.”

Au fil des siècles, les alchimistes ont observé le plus grand secret pour cacher la formule du sel philosophique. C’est pourquoi il était désigné par une multitude de noms mystérieux. De nos jours il est aisé de retrouver sa formule sur Internet. Faut-il y voir les prolégomènes des Évangiles apocryphes selon Saint Thomas : « Ne dites point de mensonge et, ce que vous avez en haine, ne le faites point : car toutes ces choses sont manifestes à la face du ciel ; rien de ce qui est caché ne manquera d’être révélé et rien de ce qui est dissimulé ne tardera à être publié !» ?

À titre d’exemple et pour faciliter au lecteur la compréhension des ouvrages traitant d’alchimie nous citerons parmi les noms mystérieux du sel philosophique :

  • « Lion Vert », bien que sa couleur soit blanche et non verte, par allusion aux végétaux dont on l’extrait et au feu qu’il dégage.
  • « Alkaest », « lait virginal », « acide harmoniaque », « agent primordial », « aliment lacté », « sel des sages », « barbe blanche », « eau sèche », « humide radical », « lait caillé », « crocs », « dents », « source », « Thélème ».
  • L’alchimiste Basile Valentin appelait (entre autres noms) le sel philosophique le « LOUP GRIS TRES AVIDE ». Si l’on change l’ordre des lettres, l’on obtient par anagramme : « VITRIOL PUR DES SAGES » (nous reviendrons sur la symbolique du loup et de l’agneau).
  • Attention au terme « chaos » ; il peut désigner alternativement le sel philosophique et le cinabre broyé durant la phase de préparation.
  • Le nom de « crachat de lune » désigne le sel philosophique à l’état semi-liquide.
  • Le sel philosophique ainsi que le sel philosophal (ou sel des philosophes) sont souvent désignés ou représentés par le nom ou le symbole de « l’épée». Le dictionnaire de philosophie alchimique mentionne : « L’épée des sages est leur feu salin, cet élément se comporte comme un morceau d’acier attiré par un aimant. Il s’unit aux matières premières avec une forte attractivité. D’où par extension de cette idée d’acier attirée par l’aimant, le feu salin est devenu leur glaive, leur couteau, leur épée. On retiendra donc que couper signifie parfois cuire en alchimie. »
  • Le nom de « perle » peut, selon le contexte, désigner le sel philosophique dans son état semi liquide ou la granulation qui va naître lors de la mondification.

La « rosée de mai » désigne le sel philosophique au moment où il se liquéfie. Chacune de ses cristallisations ressemble alors à une goutte d’eau.

Fabrication et formule du Sel Philosophique

Dans la mesure où il est déconseillé d’utiliser du sel philosophique du commerce, les indications suivantes relatives à sa fabrication « traditionnelle » selon la méthode de Jean XXII (le second Pape d’Avignon) pourront aider à décrypter maints écrits obscurs.

Le sel philosophique s’obtient à partir des cendres de chêne pourri (voir image d’entête). Selon les endroits, faute de bois de chêne les Adeptes ont utilisé les cendres de fougères ou d’acacia.

L’important étant la richesse en potasse du combustible.

La combustion d’une tonne de bois de chêne pédonculé pourri produit environ vingt kilogrammes de cendres. Ces vingt kilogrammes de cendres seront mélangés à dix kilogrammes de chaux vive.

Ce mélange sera ensuite déversé dans un grand entonnoir contenant un filtre confectionné au moyen d’une toile épaisse.

Cet entonnoir sera lui-même placé au dessus d’une bassine de grande contenance et apte à résister au feu vulgaire.

Le chimiste versera alors de l’eau de source bouillante sur son mélange de cendres et de chaux vive. La quantité d’eau devra être suffisante pour filtrer tout le contenu de l’entonnoir.

Le filtrat descendu dans la bassine sera ensuite porté à ébullition par l’action d’un feu vulgaire jusqu’à évaporation complète de l’eau. Seul subsistera au fond de la bassine un amalgame de couleur grisâtre.

Acacia

Fougère

Filtre en toile de jute

Porter à ébullition au moyen du feu vulgaire pour faire évaporer toute l’eau

Le processus chimique qui vient d’être accompli est le suivant :

K2CO3 (carbonate de potasse) + CaO (oxyde de calcium) + H2O  =>  2KOH + CaCO3.

La cendre est riche en carbonate de potasse K2CO3, nous lui avons adjoint de la chaux vive (CaO oxyde de calcium), puis nous avons versé de l’eau bouillante (H2O).

Nous avons ainsi obtenu la potasse caustique (les 2KOH) diluée dans l’eau avec quelques impuretés, alors que le filtre a retenu le carbonate de calcium (CaCO3).

Après évaporation de l’eau il reste au fond de la bassine une potasse caustique chargée de quelques impuretés (d’où sa couleur grisâtre).

La pâte recueillie au fond de la bassine sera ensuite étendue au sec sur une plaque de marbre ou elle finira de sécher et de s’auto purifier pour devenir un beau sel philosophique solide et bien blanc.

Ce sel solide sera ensuite conservé dans des tubes soigneusement bouchés et conservés à l’abri de la lumière et de l’humidité.

Le moment venu, l’adepte pourra préparer son sel liquide comme suit :

  • Secouer un tube de sel solide.
  • Déposer son contenu sur une assiette.
  • Laisser cette assiette dehors toute une nuit afin qu’au contact de l’humidité elle se gorge d’eau pour se transformer en perles de rosée de mai et enfin en sel philosophique liquide.

Conserver le sel liquide dans des flacons hermétiques jusqu’à utilisation pour le Grand Œuvre.

Symbolique du Sel Philosophique

La vie et la mort ayant un caractère cyclique, l’adepte remarquera que ses propres ossements, tout comme le fond du filtre utilisé par le chimiste qui fabriquait du sel philosophique selon la tradition, sont riches en carbonate de calcium (CaCO3).

Or, la chaux vive utilisée dans la fabrication du sel s’obtient selon la formule suivante :

CaCO3 (carbonate de calcium) + chaleur 900°C  => CaO (chaux) + CO2 (gaz carbonique).

Cette formule chimique nous apporte un éclairage intéressant sur la symbolique du cabinet de réflexion des Francs Maçons.

En effet, le Sel Philosophique n’est autre que le VITRIOL de ce cabinet de réflexion, le crâne : un carbonate de calcium qui est prêt à redevenir cendres puis chaux et poursuivre ainsi le cycle vital.

Il est intéressant de noter que nombre de fonts baptismaux des temps anciens sont ornés de loups dévorant un agneau. L’analogie entre l’eau baptismale et le sel philosophique liquide est évidente, l’agneau symbolise la jeune granulation (voir le chapitre « mondification » ci-après) ou le jeune baptisé qui va être « sacrifié » à la gloire du Grand Œuvre spirituel.

Le Sel Philosophique est représenté par le nombre quatre ou la croix, car il symbolise les quatre éléments. Il est :

  • Terre sous sa forme solide, à l’état dit de « barbe du Père ».
  • Air quand il devient vapeur, en s’élevant le premier vers le sommet du ballon,
  • Eau quand il est à l’état liquide de « rosée de mai » après s’être gorgé de l’humidité nocturne sous les rayons de lune.
  • Feu quand, excité par le cinquième feu, il communique son énergie vitale au soufre et au mercure.

L’épée (dont le nom désigne le sel philosophique et le sel philosophal et dont nous avons déjà effleuré le symbolisme) est omniprésente dans de multiples traditions.

Usage du Sel Philosophique

Le sel philosophique est, en dehors du cinabre, le seul « ingrédient » entrant dans la composition finale de la Pierre Philosophale. Il sera utilisé dès la phase de séparation jusqu’à la fin de l’albification (œuvre au blanc).

Nos développements ne portant que sur la seule voie humide du cinabre nous noterons d’ores et déjà qu’à une seule exception près, seul le sel philosophique liquide sera utilisé (la voie sèche comme son nom l’indique conduit le Grand Œuvre avec du sel solide).

4 commentaires

Excellent. Je vous remercie pour votre clarté. Vous m’avez beaucoup aidée. Cordialement Camille

Merci Camille, tel est le but de ce blog : essayer d’expliquer aussi simplement que possible.
Bien cordialement.

bonjour
je découvre votre blog.
Chimiste de formation et à la retraite, je m’intéresse à l’alchimie.
Votre exposé est claire et dénué d’erreur.
Merci

[…] consiste en la fabrication du Sel Philosophique. Son temps n’est pas décompté dans la durée du Grand […]

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